Alors que de nombreuses voix avaient dénoncé un budget outre-mer pour 2023 décevant et déconnecté des principaux enjeux urgents de nos territoires, le débat de la mission outre-mer à l’Assemblée nationale, vendredi 28 octobre, grâce à la présence massive de presque tous les parlementaires du Pacifique, de l’Atlantique et de l’Océan indien, a permis de rectifier le tir et de modifier le projet de budget dans le bon sens.

En effet, 92 amendements ont été adoptés, modifiant les moyens financiers alloués de plus de 300 millions d’euros (11% du budget de la mission outre-mer). Ainsi les élus ont décidé de prendre en main le budget et de faire valoir pleinement le rôle du Parlement.

Pour ma part, j’ai pu faire adopter 10 amendements, permettant d’allouer 73 millions d’euros supplémentaires fléchés vers Mayotte (15 millions pour l’eau, 12 millions pour les dotations aux collectivités territoriales, 33 millions pour les investissements structurant dont 10 millions pour les routes, 8 millions pour la continuité territoriale, 5 millions pour le haut débit numérique, 1 million pour la sécurité civile et 1 million pour le sport dans la cadre de la préparation des jeux des îles).

En final, le budget outre-mer pour 2023 a été adopté à l’unanimité de 41 voix pour et 0 contre, les soutiens du gouvernement s’étant abstenus.

Le gouvernement faisant planer la menace du recours à l’article 49.3 de la Constitution (adoption des crédits sans vote) sur la base d’un projet de budget qu’il choisirait, nous espérons qu’il reprendra l’essentiel des modifications apportés par les députés ultramarins. Le contraire engendrerait une importante déception et ouvrirait assurément une période de forte tension entre une très large partie des députés d’outre-mer avec le gouvernement. Or nous ne demandons qu’une chose : la co-construction entre le pouvoir exécutif et les représentants des outre-mer pour apporter des solutions aux difficultés de nos populations.

 

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Monsieur le Ministre,

Ce projet de budget est le 1er exercice de traduction de la politique du gouvernement en matière financière. Il matérialise donc le passage des mots à l’action.

Malheureusement, j’ai le sentiment qu’il y a erreur de traduction !

En effet, vous avez tenu, depuis votre arrivée à la tête du ministère des Outremer, des propos encourageants et qui nous semblent répondre, à tout le moins en partie, aux attentes des ultramarins.

A cet égard, je vous remercie d’une meilleure écoute et d’une volonté - que je pense sincère - d’inscrire l’action de l’Etat dans une véritable co-construction et un dialogue positif avec les Outre-mer.

Cependant, la progression affichée du budget de la mission outre-mer est portée, pour l’essentiel, par l’augmentation mécanique des exonérations de charges patronales (+203 millions/2022) prévue par les organismes de sécurité sociale et qui représente, d’une part, 2 tiers de la croissance budgétaire annoncée et, d’autre part, 61% des crédits de paiement totaux de la mission !

Les mesures nouvelles inscrites au budget se concentrent sur l’appui au service militaire adapté qui bénéficie d’une enveloppe en augmentation de 28 millions d’euros. Nous nous en félicitons, car en la matière, incontestablement vous passez des paroles aux actes.

Nous craignons, également, que la stabilisation du Fonds exceptionnel d’investissement, qui est un outil de cofinancement important pour des territoires nécessitant des investissements structurels, entraîne, du fait de l’inflation, une baisse des capacités réelles à accompagner les collectivités outremer.

Enfin, le manque de suivi et de pilotage par l’Etat dans la mise en œuvre des Contrats de convergence et de transformation – vertement dénoncée dans un récent rapport de la Cour des comptes - conduit le gouvernement à allonger leur durée de mise en œuvre à 2023. En effet, sur les 1,9 milliard d’euros de financement de l’Etat inscrit dans les CCT, seulement 900 millions d’euros auront été décaissés fin 2022. Le budget de la mission outre-mer acte donc le décalage permanent entre les précédentes annonces gouvernementales et la réalité sur le terrain aujourd’hui.

Au final, Monsieur le Ministre, dans un contexte de forte inflation touchant, en particulier, le prix des transports (+30% pour le transport de passager dans  l’Océan indien et +650% pour le fret de marchandises en 2 ans) qui engendrent un effet multiplicateur sur l’inflation des coûts de la construction, le budget 2023 ne portera ni la croissance du PIB, ni l’amélioration des conditions de vie des ultramarins, pourtant durement touchés par la cherté de la vie.

De plus, la mission ne rassemble que 13% des dépenses budgétaires de l’Etat consacrés aux outre-mer. Or, l’examen de l’ensemble des crédits révèle une  baisse de l’effort en euro constant, comme le souligne implicitement le document de politique transversale que je cite : « l’effort global de l’Etat en  outre-mer en 2023 est stable par rapport à 2022 soit 20,1 milliards d’euros en AE et 21,7 milliards en CP ». Or, un budget stable en période inflationniste, c’est un budget qui baisse ! 

C’est le cas, en particulier, des crédits dédiés à la promotion d’un aménagement durable et de la transition écologique (665 millions d’euros en 2023 pour 721 millions en 2022). -8% pour une priorité affichée du gouvernement, voici qui n’est pas commun ! Au même titre, il n’est pas commun de chanter l’égalité républicaine lorsque la région la plus pauvre de France - je parle de Mayotte – où sévit une discrimination sociale intolérable par rapport aux autres départements français – voit ses crédits par habitant 2 fois moindre que la moyenne ! (3 900€ en population réelle contre 7 800€ en moyenne outre-mer).

Monsieur le Ministre, je ne vois pas comment le groupe LR pourrait voter le budget de la mission outremer si le tir n’est pas rectifié d’ici l’adoption définitive du projet de loi de finances et si, notamment, les 2 amendements que le groupe LR défendra ne sont pas adoptés.

Je pense en particulier à celui qui proposera d’étudier la mise en place de zones économiques, fiscales et douanières spéciales dans les départements d’outremer, pour répondre à l’échec de politiques publiques prétendant, depuis 70 ans pour certains territoires, établir l’égalité économique et sociale.

Monsieur le Ministre, en matière de création de valeurs, de création d’emplois et d’intégration régionale, nous devons changer de braquet !

 

MK