Anticor à Mayotte : la transparence comme horizon commun

Chiconi FM-TV a reçu dans ses studios Élise Van Veneden, vice-présidente d’Anticor, et Léo Jusiak, référent local fraîchement nommé à Mayotte. Cette rencontre a offert un moment rare de pédagogie civique, où l’on a parlé sans détour de corruption, de probité publique et d’engagement citoyen. Au-delà des concepts, l’échange a surtout proposé des repères concrets : comment reconnaître les dysfonctionnements, à qui s’adresser, et avec quels outils agir pour que l’argent public serve effectivement l’intérêt général.
Comprendre le rôle d’Anticor
Association loi 1901 fondée en 2002, Anticor s’est donnée pour mission de défendre l’éthique de la vie publique et de lutter contre les atteintes à la probité. Élise Van Veneden rappelle que la corruption n’est pas seulement l’affaire des “grands dossiers” : elle survient chaque fois qu’un pouvoir confié par les citoyens est détourné de sa finalité. Qu’il s’agisse de favoritisme dans les marchés publics, de prises illégales d’intérêts ou de détournements de fonds, les conséquences sont tangibles pour la population : services moins efficaces, budgets rognés, confiance abîmée.
L’association agit sur deux registres complémentaires. D’une part, l’information et la formation du public, des associations, des étudiants et des élus, pour créer une culture partagée de la transparence. D’autre part, l’action juridique, en documentant des dossiers sérieux et en saisissant le procureur lorsque des éléments concordants laissent présumer des infractions. Au cœur de cette démarche, un principe clair : les citoyens disposent d’un droit constitutionnel de demander des comptes à l’administration, et ce droit peut – et doit – s’exercer.
Un groupe local à Mayotte : structurer la vigilance
La venue d’Anticor s’inscrit dans une dynamique nationale et, surtout, répond à une attente bien réelle sur le territoire. À Mayotte, un groupe local est en cours de structuration sous la responsabilité de Léo Jusiak. Son rôle sera d’accueillir les habitantes et habitants qui souhaitent s’informer, de les aider à formuler des demandes de documents administratifs, d’analyser les décisions publiques et, le cas échéant, de préparer des signalements étayés.
Cette implantation locale vise également à tisser des liens avec le tissu associatif et éducatif. Interventions en collèges et lycées, ateliers d’éducation populaire, rencontres thématiques avec des élus : la pédagogie est pensée comme un levier décisif. Former à l’intérêt général, expliquer ce qu’est un marché public, montrer comment se lit un budget ou une délibération, tout cela permet de transformer l’indignation diffuse en engagement éclairé.
Corruption : mettre des mots simples sur des faits précis
L’un des apports majeurs de l’entretien tient à la clarté des définitions. La prise illégale d’intérêts apparaît lorsqu’un décideur public mêle son intérêt personnel à une décision administrative. Le favoritisme survient quand les règles de la commande publique sont contournées pour avantager un candidat. La corruption et le trafic d’influence impliquent la recherche ou l’acceptation d’un avantage en échange d’un acte ou d’une intervention. Le détournement de fonds recouvre notamment les emplois fictifs et les dépenses sans contrepartie réelle.
Nommer précisément ces infractions, c’est déjà se donner le pouvoir de les reconnaître. C’est aussi comprendre que tous les élus ne sont pas “à mettre dans le même sac”. Beaucoup exercent leur mandat avec rigueur et sens du service. Promouvoir l’éthique ne revient donc pas à accuser indistinctement : il s’agit d’aider la collectivité à tracer une ligne nette, compréhensible et opposable aux comportements déloyaux.
Agir sans se mettre en danger : méthode et protections
La question des lanceurs d’alerte est centrale. Anticor rappelle que l’anonymat du public peut être préservé et que la loi encadre la protection des personnes qui signalent des faits graves. L’exigence première, cependant, demeure la preuve : dates, documents, décisions, échanges, éléments matériels. Le groupe local de Mayotte accompagnera cette mise en forme, afin que chaque signalement soit traité avec sérieux et que la justice dispose de matière exploitable.
La voie d’action n’est pas uniquement contentieuse. Souvent, une demande d’accès aux documents administratifs permet d’éclairer un point obscur : à l’issue d’un marché, les pièces deviennent en grande partie communicables, et leur analyse met parfois en évidence des anomalies de prix ou de procédure. Dans beaucoup de cas, la simple perspective d’un contrôle citoyen rigoureux incite déjà à de meilleures pratiques.
Mayotte : un territoire exigeant, une énergie citoyenne
Le contexte mahorais est singulier par l’ampleur de ses défis : accès à l’eau, infrastructures, services publics sous tension, coûts de la vie élevés. Dans un tel environnement, l’exemplarité des décisions publiques est plus que jamais nécessaire. Pour Élise Van Veneden, il y a pourtant de l’espoir : Mayotte est un territoire où la société civile se mobilise, où les associations maillent le quotidien, où la jeunesse demande sa part de responsabilité. Cette vitalité peut devenir un atout pour faire progresser la transparence, à condition de lui offrir des outils et un cadre d’action.
Léo Jusiak insiste : l’objectif n’est pas de “traquer” mais de clarifier. Clarifier ce qu’est un intérêt général, clarifier comment se construit un projet public, clarifier les responsabilités de chacun. La transparence ne vise pas à paralyser l’action ; elle doit au contraire la rendre plus lisible, plus équitable et, in fine, plus efficace pour la population.
Les médias, partenaires de la démocratie
Chiconi FM-TV revendique une mission d’information et d’éducation populaire. Les médias locaux sont des passeurs : ils donnent la parole, décryptent, suivent les dossiers, relient les citoyens aux institutions. Anticor s’appuie régulièrement sur les travaux journalistiques, sur les rapports des chambres régionales des comptes, sur toute source sérieuse qui permet d’objectiver un dysfonctionnement. Dans cette chaîne vertueuse, chacun a sa place : le journaliste qui enquête, l’association qui qualifie, la justice qui tranche, les citoyens qui s’informent et s’impliquent.
Un appel calme et ferme à la responsabilité
De cette émission, on retient un message clair : la corruption n’est pas une fatalité. C’est un phénomène que l’on peut prévenir par la pédagogie, détecter par la vigilance, et sanctionner par le droit. La création d’un groupe local Anticor à Mayotte ouvre une voie pragmatique, ancrée dans la réalité du territoire et respectueuse de toutes les parties prenantes.
La confiance ne reviendra pas d’un seul coup. Elle se reconstruit pas à pas, par des pratiques exemplaires, des décisions justifiées, des comptes rendus accessibles et une participation citoyenne réelle. À Mayotte comme ailleurs, c’est en faisant front commun – élus responsables, services rigoureux, médias exigeants et citoyens mobilisés – que la démocratie se renforce et que l’argent public retrouve pleinement sa vocation : servir le bien commun.
Source : La rédaction Chiconi FM./